Un an déjà, depuis les élections législatives du 13 juin 2010 !

Après l'informateur Bart De Wever, le préformateur Elio Di Rupo, les médiateurs André Flahaut et Dany Pieters, le clarificateur Bart De Wever, le conciliateur Vande Lanotte, l'informateur Didier Reynders, le négociateur Wouter Beke, Elio Di Rupo a été désigné formateur par le Roi le 16 mai 2011.

Nul doute qu’Elio Di Rupo va mettre chaque partenaire gouvernemental potentiel devant ses responsabilités ! Il l'a rappelé lors de sa désignation comme formateur: « Pour réussir, chaque parti devra prendre de la hauteur et s’élever au-dessus des intérêts particratiques ou de sa seule communauté. » Pas évident...

Un an de négociations délicates et difficiles, sans aboutir…

Pourtant, les négociateurs ne se sont pas croisé les bras. Ils ont au moins réalisé un important travail d'inventaire sur les objectifs des uns et des autres, sur les moyens disponibles, sur les conséquences de telle ou telle révision de la loi de financement, etc.

(Elio devra donner le "la" avec beaucoup de délicatesse et sans mettre à l'épreuve ses cordes vocales...)

Et les Francophones ont pu se rendre compte – enfin, ceux qui n’en étaient pas encore convaincus - de l’abîme qui sépare le Nord et le Sud sur l’institutionnel comme sur le socio-économique.

Ces derniers mois, on a eu droit aux volte-face de la NV-A, aux valses-hésitations de son porteur d'eau le CD&V, aux affaires courantes qui n'en sont plus (ou le sont « à la carte »), à la prise de pouvoir de la droite et en particulier de la NV-A et de ses suiveurs au sein du Parlement fédéral (dans le dossier du regroupement familial notamment), à l'adoption, sans grandes difficultés d'un budget 2011, etc.

Pendant ce temps, les gouvernements régionaux et communautaires ont continué à travailler. On oublie trop souvent que leurs moyens d'action réels sont supérieurs à ceux de l'État fédéral, sans prendre en compte le budget de la sécurité sociale.

Ce n’est pas pour autant qu’on peut continuer à se passer d’un gouvernement fédéral de plein exercice : des décisions urgentes doivent être prises notamment dans le domaine de l’organisation judiciaire et dans le cadre de la coopération avec les entités fédérées, sans oublier bien entendu les mesures structurelles en matière de finances publiques et de financement des pensions.

En Flandre, une tendance lourde anti-Francophone et anti-Etat fédéral prend de plus en plus d'ampleur

L'étude réalisée par les professeurs Marc Swyngedouw et Koen Abts (de la KUL) révèle selon le Soir du vendredi 10 juin 2011 que : « l'électeur type de la N-VA est flamingant, de droite, cynique à l'égard de l’establishment politique, plaide pour une approche dure de la criminalité et adopte une attitude assez négative à l'égard des immigrés et des minorités ethniques ». Comme le souligne encore Dirk Vanoverbeke, la personnalité et la popularité de Bart De Wever n’expliquent pas tout. « Autant savoir », ajoute le journaliste du Soir.

Et si l'on ajoute aux électeurs de la N-VA ceux qui s’apparentent à eux tout en votant pour d’autres partis, on peut comprendre que d’aucuns voient dans une majorité de Flamands une tendance lourde anti-Francophone et anti-Etat fédéral.

Vic Van Aelst, de la N-VA, qui n’en est pas à une outrance près, s’en est pris, comme d’autres, aux ministres francophones coupables de ne pas connaître parfaitement le néerlandais (« Ecoutez comment Di Rupo, Onkelinx et Milquet  violent notre langue » et aux « noirs francophones qui viennent s’installer à Asse… ça va encore accélérer la francisation de la commune ». Les mots choisis en disent long sur la pensée de leur auteur.

Rares sont les hommes politiques flamands qui prennent leurs distances avec de tels propos… Il s'en trouve même à gauche pour faire partie du « Gravensteengroep » dont la ligne de pensée est fondée sur le principe de territorialité et de non-ingérence de même que sur la négation de Bruxelles comme région à part entière.

Le député socialiste flamand Kurt De Loor n'a pas mâché ses mots en répondant à Vic Van Aelst : «  Petit à petit, l'on trouve normal que des gens profèrent des propos haineux infondés envers un groupe de personnes qui parlent une autre langue. L'histoire nous apprend qu’un tel cours des choses livre rarement des résultats positifs. Mladic a aussi commencé son histoire par un discours haineux. »

Les propos extrémistes des nationalistes flamands percolent malheureusement dans une bonne partie de l’opinion flamande et le fossé qui sépare le Nord et le Sud se creuse irrémédiablement…

Un de mes concitoyens salmiens, Jacques Van Doormaal, peu suspect d’extrémisme, souligne dans un article mis en ligne sur lalibre.be, le 13 mai 2011, sa surprise de se voir reprocher de parler en français avec la serveuse d’un restaurant anversois (« Helaba, wijn zijn hier in Vlaanderen ! »).

Il poursuit : « Ma sœur me téléphone depuis Anvers. Elle est sur le point d’acheter une voiture, me demande mon avis en néerlandais. Bizarre. Depuis 60 ans, nous n’avons jamais utilisé cette langue entre nous. L’ayant rappelée plus tard, elle me dit ne pas avoir osé parler français, de peur d’irriter le vendeur ! N’essayez pas ! N’osez pas parler français dans la file d’attente aux caisses d’un supermarché. On vous toisera comme des membres retardés d’un sous-ordre. Anecdotes ? Mais non, il se répand en Flandre une intolérance rampante sur tout ce qui est français.»

Cette intolérance est entretenue par la N-VA et les autres partis de droite, ces derniers se gardant bien de prendre leurs distances vis-à-vis de la N-VA pour ne pas apparaître moins flamands...  Une mince consolation : le refus des libéraux et des sociaux-chrétiens flamands de constituer le front flamand de droite demandé par la N-VA…

Bien entendu, il faut se garder de porter des jugements définitifs et de mettre tous les Flamands dans le même panier. L’évolution des mentalités ne peut cependant qu’inquiéter. Même si nous nous retrouvons un jour dans un Etat belge confédéral où l’essentiel des compétences et des moyens d’action sera géré par les entités fédérées, la cohabitation et la coopération seront toujours nécessaires…

Heureusement, des écrivains et artistes flamands se mobilisent régulièrement contre le nationalisme. J'y ai déjà fait allusion dans l'article que j'ai consacré à Ugo Janssen (dans la rubrique « on en parle »).  Ils viennent encore de s’exprimer dans la revue « Ah ! » de l’ULB.

On sait que Bart De Wever fait un usage parfois un peu facile du latin. Dans « Ha ! », L'écrivain flamand Tom Lanoye intitule son article : « Quousque tandem abutere, Bart De Wever, patientia nostra ? », ce que le Soir du 6 juin 2011 traduit par :  « Combien de temps, Bart De Wever, vas-tu encore nous casser les couilles ?»

 Sur le plan socio-économique

Si, pour le formateur Elio Di Rupo, le volet institutionnel des négociations est plutôt plombé, le volet socio-économique n'est guère plus facile à gérer et va l’obliger à faire le grand écart ! C'est qu'il a devant lui une belle coalition de droite!

Didier Reynders a rappelé que le MR était en phase avec la Flandre démocratique. Du SP-A à la N-VA en passant par le CD&V et le VLD, « ils sont tous sur notre ligne ou à notre droite. Le monde francophone, lui, est tout à fait à notre gauche » (l'Avenir du 31 mai 2011).

Un raccourci saisissant en ce qui concerne en tout cas le SP-A, Reynders évoquant surtout à propos des socialistes flamands, la ligne commune avec le MR sur la loi restreignant le regroupement familial.

On connaît le programme socio-économique ultralibéral de la N-VA : diminution drastique des dépenses publiques et sociales, des services publics réduits au minimum, plus de flexibilité pour les conditions de travail et de rémunération, limitation des allocations de chômage dans le temps, réduction du rôle des organisations syndicales et mutuellistes, révision des conditions d’octroi de la pension et d’indemnisation du risque professionnel, etc., etc.

Peter Tiemermans, le directeur général de la Fédération des Entreprises de Belgique a rappelé ses récriminations contre les salaires trop élevés (lesquels ?) et les congés trop importants ainsi que ses recettes : pas d'augmentation d'impôts, réforme du marché de travail (plus d’activation et de flexibilité) et du système de chômage, adaptation (suppression ?) du système d'indexation…

Il rappelle du bout des lèvres la nécessité de lutter contre la fraude fiscale et sociale sans évoquer l’intérêt de revoir les niches fiscales ni celui de poursuivre l’exécution des 108 recommandations adoptées par la Chambre des représentants en 2010 à la suite des travaux de la Commission d’enquête sur la grande fraude fiscale.

Bien sûr, le directeur général de la FEB n'évoque pas davantage la nécessaire révision des modalités d'octroi des intérêts notionnels qui ont permis à certaines sociétés de bénéficier d'un effet d'aubaine.

Un effet d’aubaine qui se mesure pour certaines sociétés en centaines de millions d'euros alors que « l’économie brute générée par une meilleure distribution de l'avantage fiscal serait d'au moins 1,5 milliard d'euros » a rappelé le député écolo Georges Gilkinet dans la Libre du 9 juin 2011).

Il n’évoque pas davantage la taxation d’Electrabel qui pourrait rapporter près de 500 millions d'euros ni l’intérêt de taxer les transactions financières ou certaines plus-values…

A l’évidence, la FEB et la droite peuvent faire leur miel des sacro-saintes recommandations de la Commission européenne qui s'en prend notamment à notre système de négociation collective et d’indexation des salaires.

Il est vrai que les technocrates de l’Union européenne et les membres de la Commission européenne sont imprégnés d’une vulgate économique qui fait la part belle aux thèses néolibérales.

Un éditorialiste évoque la nécessité « de réformes courageuses et de grande ampleur » pour « muscler notre économie, renforcer la compétitivité de nos entreprises, améliorer l'attractivité fiscale ou stimuler l'innovation, le tout au bénéfice de l'emploi ». D’autres appellent au bon sens, au sens des responsabilités.

Il est facile de décrire les objectifs et même de les partager. Quant au choix des moyens, encore faut-il des « réformes courageuses et de grande ampleur » qui préservent le pouvoir d'achat et un service public de qualité et de proximité, qui créent du bon emploi et une fiscalité plus juste, qui réduisent les inégalités et qui ne détricotent pas notre sécurité sociale ni notre modèle de relations collectives de travail !

Francis Van de Woestijne dans la Libre Belgique du 18 mai : « Le moment venu, chacun devra oser des concessions, cet acte de courage indispensable à tout compromis. Il faudra du talent, de la patience, de la stratégie, de l'esprit, de la fermeté aussi. Di Rupo n'en manque pas ».

D’accord mais quel compromis ? A quel prix ?

Je concluais mon édito du 2 mai 2010 (« BHV, le bon sens et le sens des responsabilités ») en citant Samuel Becket, dans Fin de Partie : "la fin est dans le commencement et pourtant, on continue".

Que dire de plus aujourd’hui ?

Bien sûr, certains ont leur recette. Ainsi, pour le MR Charles Michel, seul un "sursaut libéral" permettra de stabiliser le pays, précise-t-il, car "la gauche francophone est précisément l'alliée objective de la N-VA", en faisant "la démonstration que ce pays est devenu ingouvernable".

N’importe quoi mais assez pour désinformer un peu plus et semer le doute dans l’opinion…

On croit rêver…

J. Gennen, 13 juin 2011

(Le Roi n'a pas manqué de travail ces douze derniers mois! Photo: visite du Roi à Vielsalm, en 2004, lorsque j'étais bourgmestre)


Photo du moment

Agenda

  • 07-04-2013

    C’était le dimanche 7 avril 2013. Jean Maquoi, le frère du docteur Luc Maquoi à l’origine du Centre Médical Héliporté de Bra-sur-Lienne, ne cachait pas sa joie et son émotion : le soleil et près de 2000 personnes avaient répondu à l’invitation de son comité organisateur.

    Plus de 850 repas ont été servis à cette occasion !

    Jean Maquoi et son équipe peuvent compter sur 130 bénévoles, sur la collaboration des pompiers de Hamoir et de la police fédérale de même que sur l’aide d’entreprises de transport et d’autres firmes de la région.

    L’intégralité des bénéfices de cette belle manifestation est versée au CMH de Bra-sur-Lienne.

  • 04-01-2013 - 30-01-2013

    Le CMH de Bra-sur-Lienne a les honneurs d’une exposition photographique « Au coeur d’une zone rouge », à la Maison du Tourisme du Pays de Herve.

    On peut y admirer les superbes photos réalisées par Valentin Bianchi lors d’interventions réelles du CMH (en 2012, le CMH est intervenu plus de1000 fois !).

    Excellente idée que cette belle exposition car elle fait vivre au quotidien et sur le terrain les interventions d’un trio de choc : le médecin spécialiste, l’infirmier spécialisé en aide médicale urgente ainsi que le pilote de l’hélico.

A votre bonne attention

  • Voici quelques informations communiquées par le CMH de Bra-sur-Lienne.

    Trois interventions héliportées par jour !

    Au cours de l’année 2012, le Centre Médical Héliporté de Bra-sur-Lienne a réalisé 1028  missions par hélicoptère à la demande du 112.

    Pour la seconde année  consécutive, le CMH dépasse le seuil des 1000 interventions héliportées. Cette donnée confirme la place de l’hélicoptère dans les moyens de secours disponibles en Belgique.

  • Le best-seller surprise qui secoue la Flandre enfin traduit en français

    « Comment osent-ils ? La crise, l’euro et le grand hold-up » de Peter MERTENS (président du PTB) en collaboration avec David Pestieau, avec une préface de Dimitri Verhulst (Auteur de La merditude des choses). Quelques syndicalistes l’ont déjà lu et vous le recommandent.

    « Peter Mertens, comme nous, a raison de s’étrangler d’indignation dans son livre sur “La crise, l’euro et le grand hold-up”. (…) Oubliés le sauvetage des banques, les causes de l’endettement et de la crise. Ils ont réussi a retourner la situation et ils essaient maintenant de nous convaincre que tout cela, c’est notre faute : on gagne “trop”, notre sécu est “trop généreuse”, nos pensions “impayables”, nos services publics “pléthoriques”, nos chômeurs “paresseux”. (…)

  • Je lis sur ma page d’accueil Facebook les témoignages de Renée Gaspard, Patrick Davin, Gaston Blanchy, Jean-Claude Marcourt, Jean-Pierre Alexandre, Nathalie Bailly, André Brunelle, Christelle Thomas et de tant d’autres.

    Que dire encore ? Nos pauvres mots ne peuvent pas suffire devant ce terrible drame et tant de souffrance…

    Nous ne pouvons qu’exprimer notre révolte mais aussi notre empathie, notre solidarité. Au moins, elles n’ont pas de frontière même linguistique !
    J.G., 14 mars 2012

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